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21 octobre 2017

Sécurité privée : conversation avec un novice – Acte II

Dimanche midi, déjeuner de famille élargi.

A peine avions-nous commencé l’apéro, qu’il m’avait dit « Alors, comment vont les affaires ? Avec les événements, tu dois avoir de la demande en plus, non ? »

Par événements, il parlait des tentatives d’attentats qui venaient d’être déjouées par les services de police et de renseignements. « Il n’y a pas toujours de réelles corrélations » lui répondis-je. « Cela dépend surtout de la sensibilité de l’entreprise au risque et du sentiment d’insécurité ressenti par ses salariés. Plus ce risque est élevé, plus il y a effectivement de chances que l’entreprise renforce sa sécurité ».

Le sujet était lancé. A peine le temps de grignotter quelques cacahuètes que déjà je sentais ces questions qui allaient fuser.

« Mais concrètement, l’agent de sécurité qui est devant l’entrée d’un bâtiment, dans sa guitoune avec sa barrière levante, il ne sert pas à grand-chose non ? On en a un dans la boîte dans laquelle je réalise mon stage et je ne vois vraiment pas son utilité ».

J’étais heureux de cette question. Il avait posé THE question. Celle qui paraît banale, et qui n’attend qu’une réponse du style « Ouais. Tu as raison. Tu re-veux un verre ? ». Mais non, j’ai choisi de lui répondre de façon plus professionnelle.

« La question que tu poses est une bonne question. Dans ton raisonnement, tu considères que puisque tu ne vois pas son utilité, il ne sert à rien. Et que dès lors, c’est de l’argent dépensé inutilement. C’est bien ça ? ». «  Bah oui. A part appuyer sur un bouton pour ouvrir la barrière aux véhicules qui lui présentent un macaron, aucune utilité ! ».

L’explication allait pouvoir commencer ! « Ton raisonnement est celui de bien de mes interlocuteurs. Mais prends la situation dans le sens inverse : c’est peut-être par ce qu’il y a un agent de sécurité que rien ne se passe. Et sa position à l’entrée de l’entreprise est dissuasive à quiconque chercherait à pénétrer sur le site. Même si nous sommes d’accord, le risque 0 n’existe pas ». « OK, je comprends. Mais est-ce que l’on ne pourrait pas le remplacer par une machine, un robot, un lecteur de badges ? Ca couterait moins cher ! ».

Je reconnaissais les questions de l’étudiant d’école de commerce qui se destine au métier d’acheteur ;-) cherchant à optimiser des coûts qu’il ne pensait pas forcément comme nécessaires mais plutôt comme contraints.

« Tout dépend de la configuration de ton site. Comment ton lecteur de badges donnera l’alerte si un intrus pénètre sur ton site ? Cela s’étudie, et prend du temps. L’achat de prestations de services ce n’est pas aussi facile que de choisir ses produits dans un rayon de supermarché ! L’agent qui est dans ta guérite à l’entrée du site, il faut lui donner une valeur ajoutée. Et cette valeur ajoutée elle doit être créée par le prestataire. C’est son job, encore faut-il que l’entreprise cliente lui en donne les moyens et sache un temps soit peu ce qu’elle achète. Bref qu’elle s’y connaisse un minimum. Qu’elle ne réduise pas le prestataire à un vendeur de temps/homme ». « Comment ça ? »

« C’est très simple : apporter de la valeur ajoutée à une mission à un job ça s’élabore, ça s’étudie, ça ne se décrète pas. Si l’entreprise gagne de l’argent et qu’elle est rentable, elle va pouvoir investir ». « Investir pour quoi ? » me demande-t-il.

« Investir pour donner de la valeur ajoutée à ton agent, pour lui mettre à disposition des outils plus performants, faire de la R&D, créer des formations sur-mesure pour un client qui serait exposé à un risque pour lequel il ne l’était pas... Ainsi, ton agent que tu as sur site, il bénéficie d’une meilleure reconnaissance (des salariés sur le site) et la qualité s’améliore. Au final, tout le monde est gagnant. Aujourd’hui, on va dans le sens inverse ! On achète au plus bas ; on veut une Ferrari pour le prix d’une Renault ! ».

« Ce que tu dis est un cercle vertueux effectivement bénéficiant à tous. D’autant plus que l’entreprise dans ce cas joue un rôle sociétal en contribuant à la reconnaissance de la profession et du secteur. Et en plus cela va dans le sens des traditionnelles Charte des achats responsables. Mais pourquoi les services achats ne raisonnent pas de la sorte ? ».

« C’est toi qui fait des études pour devenir acheteur… Allez à table ! ».

12 août 2017

Sécurité privée : conversation avec un novice.

« Un appel d’offres, c’est comme une pochette surprise, on ne sait jamais ce qu'il y a dedans ».

C’est un peu ce que l’on se dit lorsque l’on en reçoit un. Alors parfois, avec l’expérience, on se dit « Mais oui, bien sûr je le connais cet appel d’offres » et là malheur à celui qui est en face de vous : vous êtes capable de lui réciter le dispositif de sécurité en place, le nom du responsable sécurité, le nom de l’acheteur, et même le prestataire en place !

Bref, au vu de vos connaissances, vous êtes la personne qui doit répondre à cet appel d’offres. Il ne peut pas vous échapper, avant même d’avoir lu le CCTP vous connaissez tout ! Oui, mais non.

Car ces connaissances vous les avez car vous avez répondu 3 fois (vous pouvez augmenter ce nombre….) aux consultations de cette entreprise et comme d’habitude c’est toujours le même qui gagne : le moins-disant. Vous répétez à votre interlocuteur « C’est le moins-disant qui remporte le marché, pas le mieux disant ! ».

Dès lors, deux possibilités :

  • Soit votre interlocuteur connaît le secteur de la sécurité, la conversation s’arrête là et le dossier de consultation qu’il vous a imprimé comprenant le règlement de consultation, l’attestation de réception dudit appel d’offres, le cahier des clauses techniques particulières, le cahier des clauses administratives particulières, la fiche de synthèse, le plan du mémoire technique, le bordereau des prix unitaires, l’attestation de visites, la charte de l’achat responsable, la charte du fournisseur responsable, la charte environnementale, la liste des références sur les trois dernières années, la décomposition du prix global et forfaitaire ainsi que la décomposition horaire du taux facturé sur les 5 prochaines années et là l’ensemble des 113 pages imprimées finissent à la poubelle (ou en papier de brouillon) et vous reprenez une activité normale ;

 

  • Soit votre interlocuteur ne connait pas la sécurité et là vous vous dites « C’est le moment de te faire un petit cours sur le secteur d’activité ». C’est une envie soudaine. Vous posez votre stylo, mettez votre portable sur silencieux et fermez votre PC. Vous avez tellement envie de lui expliquer comment ça se passe, vos anecdotes que vous êtes partis pour un bon moment.

Ce qui est intéressant c’est que plus vous lui parlez du secteur d’activité la vente de prestations de sécurité privée, plus votre interlocuteur vous pose des questions, vous interroge et vous en redemande. « Est-ce que tout le monde peut être vigile ? » ou encore «Ils travaillent combien de temps les gardiens ? ». Au passage, vous en profitez pour lui faire un petit cours de sémantique « Ne parles pas comme les présentateurs du JT. On dit agent de sécurité et non pas vigile ou gardien ! »

Plus la conversation avance, plus vous lui parlez de vos anecdotes « L’appel d’offres où on te demandait de décomposer le taux horaire de vente en spécifiant ta marge ainsi que le coût horaire de ton matériel que tu affectais à la mission de l’agent de sécurité ».

Votre interlocuteur ne comprend pas. « Comment peut-on vous demander la marge de l’entreprise ?! Ce n’est pas quelque chose de confidentiel ? ». Vous lui avouez que c’est tout de même assez étrange, mais que c’est très répandu chez les acheteurs et que si vous ne la mentionnez pas, vous avez peu de chances de remporter le marché.

Pour bien lui faire prendre conscience de cette demande des acheteurs, vous prenez l’exemple du boulanger. « C’est un peu comme si lorsque tu allais acheter une baguette chez ton boulanger tu lui demandes sa marge sur le prix de la baguette aux céréales à 1,30€ ». Vous aussi cher lecteur, vous y penserez la prochaine fois que vous serez de corvée de pain et vous me direz ce que vous répondra le boulanger…

Même s’il comprend cet exemple, il a du mal. Il ne comprend pas la finalité et la pertinence de cette demande. Il ne travaille pas dans votre secteur et ce vous lui dites lui parait invraisemblable.

Alors vous décidez d’aller encore plus loin. « Parfois on va te demander dans le taux horaire moyenné sur 5 ans de décomposer dans le taux horaire de vente la part du matériel (notre fameuse lampe torche) ! » En gros quel est le coût de la lampe torche à l’heure sur 5 ans.

Voyant que vous êtes en train de le perdre, il faut réagir ! Vous faites le parallèle avec votre boulanger. « En fait c’est comme si tu retournes voir ton boulanger avec sa baguette aux céréales à 1,30€ et que tu lui demandes sur les 1,30€ de vente de la baguette, quel est le montant issu du pétrin-mélangeur qui lui a servi à réaliser la baguette».

Votre interlocuteur esquisse un sourire. « Mais c’est idiot. A quoi cela sert-il de savoir cela ? Est-ce que ma baguette sera meilleure ? »

En 1h30 de conversation c’est la première question à laquelle vous n’êtes pas en mesure de répondre. Mais bon, c’est vous le professionnel ! Vous devez être en mesure de répondre. « C’est un truc d’acheteur. On ne sait pas trop à quoi ça sert. Ils doivent y affecter un coefficient qui doit leur permettre d’en sortir une note financière qui suivant la pondération de l’appel d’offres te donnera une note finale et permettra d’établir un classement final des offres ».

Votre interlocuteur est loin. Il est pour le coup complètement perdu. « Et sinon l’acheteur, lorsqu’il te demande ça, il sait vraiment pourquoi il te le demande ? » Très bonne question !

19 septembre 2016

Annulation des courses par mesure de sécurité : attention !

Depuis les attentats de Paris, et la prolongation de l’état d’urgence, bon nombre de courses pédestres ont été annulées en Ile-de-France (et ailleurs !) par mesure de sécurité. Ces annulations se sont encore multipliées ces dernières semaines, quelques jours à peine après la reprise de la saison sportive, avec l’annulation de plusieurs courses (Joinville, Suresnes, La Queue-en-Brie…) après concertation avec les préfets des départements et cela bien souvent la veille ou avant-veille de la course.

Ces annulations d’événements sont tout à fait compréhensibles après l’attentat de Nice : chaque rassemblement est une cible pour un acte terroriste. L’actualité nous l’a encore démontré le week-end dernier avec un engin explosif découvert dans une poubelle le long du parcours d’une course dans l’état du New Jersey aux Etats-Unis.

Pourquoi ces annulations ?

Si ces annulations ont lieu quelques heures avant l’épreuve c’est dans la plupart des cas suite aux ultimes réunions en préfecture qui ont lieu dans la semaine précédant la course. Pour faire court, la préfecture recommande aux organisateurs (associations sportives, municipalités…) un renforcement des mesures de sécurité, celles-ci provenant du ministère de l’Intérieur.

Dans le cas d’une épreuve organisée par une municipalité, celle-ci peut passer outre la demande émanant du Préfet, le maire de la commune ayant des pouvoirs de police sur le territoire de la commune, à l’exception de la ville de Paris où le Préfet de police possède l’ensemble de ces pouvoirs.

Dans les cas d’une épreuve organisée par une association sportive (je parle bien d’une association sportive et non pas d’une entreprise organisatrice d’événements…) pour laquelle cet événement est l’événement phare de la saison (qui dans le meilleur des cas par une météo favorable et avec un nombre de participants similaire à l’an passé rentrera tout juste dans ses frais), celle-ci à deux possibilités : répondre favorablement aux exigences de la préfecture en augmentant le dispositif de sécurité (mise en place de plots en béton, augmentation du nombre d’agents de sécurité prévu…) ou bien annuler l’événement étant incapable de satisfaire aux besoins exprimés.

Il est important d’avoir à l’esprit que dans certains territoires, ces événements sont des moments clés dans l’agenda culturel et sportif de la commune. Des moments forts de convivialité et de fraternité permettant l’échange et le dépassement de soi ; autant de moments qui, par mesure de sécurité, pourraient se raréfier dans les semaines à venir.

A ce jour, faire reposer l’ensemble de la sécurité et des responsabilités inhérentes à un tel événement sur une association à but non lucratif peut décourager les bénévoles et apporter de l’incertitude supplémentaire à la société.

Pour autant, des épreuves de masse ont été réalisées récemment (la Parisienne…) et apporte une ambiguïté sur la gestion post-terroriste des épreuves sportives : seules les épreuves parisiennes seront permises ? Seules les épreuves organisées par des majors des organisations sportives pourront organiser de tels événements ayant les capacités financières pour supporter ces coûts ? Seules les municipalités et organisateurs qui disposeront de forces disponibles pourront répondre aux demandes de vie sociale de leurs concitoyens ?  Va-t-on vers une société sportive où le participant devra, en plus, supporter financièrement le coût de sa sécurité ?

Ou plus prosaïquement, la société sportive comme civile ne doit-elle pas simplement vivre afin de ne pas faire le jeu de barbares écervelés ? A méditer…