12 août 2017
Sécurité privée : conversation avec un novice.
« Un appel d’offres, c’est comme une pochette surprise, on ne sait jamais ce qu'il y a dedans ».
C’est un peu ce que l’on se dit lorsque l’on en reçoit un. Alors parfois, avec l’expérience, on se dit « Mais oui, bien sûr je le connais cet appel d’offres » et là malheur à celui qui est en face de vous : vous êtes capable de lui réciter le dispositif de sécurité en place, le nom du responsable sécurité, le nom de l’acheteur, et même le prestataire en place !
Bref, au vu de vos connaissances, vous êtes la personne qui doit répondre à cet appel d’offres. Il ne peut pas vous échapper, avant même d’avoir lu le CCTP vous connaissez tout ! Oui, mais non.
Car ces connaissances vous les avez car vous avez répondu 3 fois (vous pouvez augmenter ce nombre….) aux consultations de cette entreprise et comme d’habitude c’est toujours le même qui gagne : le moins-disant. Vous répétez à votre interlocuteur « C’est le moins-disant qui remporte le marché, pas le mieux disant ! ».
Dès lors, deux possibilités :
- Soit votre interlocuteur connaît le secteur de la sécurité, la conversation s’arrête là et le dossier de consultation qu’il vous a imprimé comprenant le règlement de consultation, l’attestation de réception dudit appel d’offres, le cahier des clauses techniques particulières, le cahier des clauses administratives particulières, la fiche de synthèse, le plan du mémoire technique, le bordereau des prix unitaires, l’attestation de visites, la charte de l’achat responsable, la charte du fournisseur responsable, la charte environnementale, la liste des références sur les trois dernières années, la décomposition du prix global et forfaitaire ainsi que la décomposition horaire du taux facturé sur les 5 prochaines années et là l’ensemble des 113 pages imprimées finissent à la poubelle (ou en papier de brouillon) et vous reprenez une activité normale ;
- Soit votre interlocuteur ne connait pas la sécurité et là vous vous dites « C’est le moment de te faire un petit cours sur le secteur d’activité ». C’est une envie soudaine. Vous posez votre stylo, mettez votre portable sur silencieux et fermez votre PC. Vous avez tellement envie de lui expliquer comment ça se passe, vos anecdotes que vous êtes partis pour un bon moment.
Ce qui est intéressant c’est que plus vous lui parlez du secteur d’activité la vente de prestations de sécurité privée, plus votre interlocuteur vous pose des questions, vous interroge et vous en redemande. « Est-ce que tout le monde peut être vigile ? » ou encore «Ils travaillent combien de temps les gardiens ? ». Au passage, vous en profitez pour lui faire un petit cours de sémantique « Ne parles pas comme les présentateurs du JT. On dit agent de sécurité et non pas vigile ou gardien ! »
Plus la conversation avance, plus vous lui parlez de vos anecdotes « L’appel d’offres où on te demandait de décomposer le taux horaire de vente en spécifiant ta marge ainsi que le coût horaire de ton matériel que tu affectais à la mission de l’agent de sécurité ».
Votre interlocuteur ne comprend pas. « Comment peut-on vous demander la marge de l’entreprise ?! Ce n’est pas quelque chose de confidentiel ? ». Vous lui avouez que c’est tout de même assez étrange, mais que c’est très répandu chez les acheteurs et que si vous ne la mentionnez pas, vous avez peu de chances de remporter le marché.
Pour bien lui faire prendre conscience de cette demande des acheteurs, vous prenez l’exemple du boulanger. « C’est un peu comme si lorsque tu allais acheter une baguette chez ton boulanger tu lui demandes sa marge sur le prix de la baguette aux céréales à 1,30€ ». Vous aussi cher lecteur, vous y penserez la prochaine fois que vous serez de corvée de pain et vous me direz ce que vous répondra le boulanger…
Même s’il comprend cet exemple, il a du mal. Il ne comprend pas la finalité et la pertinence de cette demande. Il ne travaille pas dans votre secteur et ce vous lui dites lui parait invraisemblable.
Alors vous décidez d’aller encore plus loin. « Parfois on va te demander dans le taux horaire moyenné sur 5 ans de décomposer dans le taux horaire de vente la part du matériel (notre fameuse lampe torche) ! » En gros quel est le coût de la lampe torche à l’heure sur 5 ans.
Voyant que vous êtes en train de le perdre, il faut réagir ! Vous faites le parallèle avec votre boulanger. « En fait c’est comme si tu retournes voir ton boulanger avec sa baguette aux céréales à 1,30€ et que tu lui demandes sur les 1,30€ de vente de la baguette, quel est le montant issu du pétrin-mélangeur qui lui a servi à réaliser la baguette».
Votre interlocuteur esquisse un sourire. « Mais c’est idiot. A quoi cela sert-il de savoir cela ? Est-ce que ma baguette sera meilleure ? »
En 1h30 de conversation c’est la première question à laquelle vous n’êtes pas en mesure de répondre. Mais bon, c’est vous le professionnel ! Vous devez être en mesure de répondre. « C’est un truc d’acheteur. On ne sait pas trop à quoi ça sert. Ils doivent y affecter un coefficient qui doit leur permettre d’en sortir une note financière qui suivant la pondération de l’appel d’offres te donnera une note finale et permettra d’établir un classement final des offres ».
Votre interlocuteur est loin. Il est pour le coup complètement perdu. « Et sinon l’acheteur, lorsqu’il te demande ça, il sait vraiment pourquoi il te le demande ? » Très bonne question !
17:01 Publié dans Réflexions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sécurité humaine, sécurité privée, achats, acheteur, consultation, appel d'offres, métiers, prestations de services, profession | | Facebook
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